En fait/en droit
Mis à jour le mardi 1er septembre 2015 , par
Définition (TLFI)
L’expression en fait signifie « dans les faits ». Elle exprime ce qui est effectif, ce qui existe, ce qui constitue la réalité. L’expression en droit désigne, par opposition, ce qui est légitime, légal, indépendamment de toute considération d’existence.
Sens philosophique
Dans la Critique de la raison pure, Kant oppose deux questions : quid juris ? (qu’en est-il du droit ?) et quid facti (qu’en est-il du fait ?). Cette opposition prend place dans le cadre d’une réflexion sur les conditions et les limites de la connaissance. Pour Kant, l’empirisme est insuffisant car il se réduit à l’explication du fait de la connaissance tandis qu’il faut s’interroger sur ce qui la rend possible. Autrement dit, il est nécessaire de comprendre comment les catégories a priori de l’entendement s’applique à l’intuition sensible pour donner lieu à une expérience. Or, c’est bien là une question de droit car cette application est analogue à l’application d’une règle, d’une loi, à un cas singulier. C’est une pensée de type juridique qui préside à la connaissance. Le droit est ici ce à quoi l’on remonte pour rendre compte du fait. Mais le droit, ce peut aussi être ce qui vient rectifier le fait, le contraindre à se conformer à une légalité comme nous allons le voir dans l’exemple suivant.
Exemple
Suivons la pensée de Hobbes. Pour celui-ci, à l’état de nature, le droit s’identifie au fait. En effet, la seule loi qui s’exerce est celle de la force, autrement dit le « droit » n’est alors rien d’autre que le fait de la puissance. L’état de nature est un état de guerre perpétuel (« l’homme est un loup pour l’homme ») où chacun est constamment menacé dans la conservation de sa vie. C’est la raison qui va pousser les hommes à se lier par contrat, à transférer une partie de la puissance au souverain. Ce dernier édictera des lois ; le « droit » ne sera plus une conséquence du fait (de la force). Intéressons-nous à présent à l’article qui ouvre la Déclaration des droits de l’homme : « les hommes naissent égaux en droit ». Cet article ne pose pas que les hommes naissent égaux en réalité, en fait, mais simplement que les inégalités factuelles (les différences dans la force physique par exemple) doivent s’effacer derrière l’égalité en droit. Rousseau écrit : « Convenons donc que la force ne fait pas droit, et qu’on n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes ».
Pour aller plus loin
Se pose la question de savoir si l’égalité en droit des hommes est une égalité naturelle, s’il y a bien un droit naturel (quand bien même celui-ci ne parviendrait pas à s’affirmer face aux inégalités) ou si cette égalité est instituée, créée « de toutes pièces » par les hommes pour assurer leur vie en commun. La réponse à cette question dépend en réalité de la perspective anthropologique adoptée : soit on considère que l’essence de l’homme est immuable, soit on juge que l’homme est cet être qui ne cesse de se construire, de se faire lui-même.